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Construction Commune – Cycle Travail N°7

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CYCLE TRAVAIL N°7 – « organisation »

26/09/17

Cette séance du cycle travail est motivée par des envies convergentes de mise en action et suggérée par des initiatives qui se multiplient sur le territoire et qui pourraient se croiser. Des caisses de solidarités, des organisations et productions qui n’ont pas recours à l’emploi et au travail classiques, des investissements fonciers en commun…

Puis avec l’accélération de la destruction des protections sociales jusqu’à la suppression des emplois aidés, le terrain est de plus en plus propice aux élans d’auto-organisation.

Dans les précédents cycles, nous avons échangé des lectures, rendu comptes d’expérimentations, mis en place des ateliers d’écriture… Et désormais s’exprime un besoin d’une construction commune, qui sans remplacer les premiers temps d’autoformation, constituerait une forme de passage à l’acte.

L’idée qui a germé en premier lieu était celle d’une « base arrière » qui aurait plusieurs vocations :

  • permettre de débrayer, faire grève, aller au front, tout en aillant l’assurance d’une protection collective (financière, mais aussi en terme de lien, de formation, de soutien humain…)

  • mettre en commun du temps (ou de la force de travail dira-t-on) pour produire ensemble

  • laisser la liberté à ceux qui ne sont pas satisfaits de leur emplois ou de ce qu’ils produisent de penser et d’expérimenter une activité qui leur convienne en étant plus assurés et soutenus dans leur démarche grâce à une économie et/ou une organisation commune à-même de prendre le relais d’un salaire classique.

  • Éventuellement mettre en place un lieu d’habitat et de production, comme pour donner une forme incarnée à cette organisation, et surtout pour débrouiller collectivement des situations individuelles bloquées.

Cette proposition vient évidemment questionner le service public et les protections sociales existantes. Nous partons du principe qu’il ne s’agit pas de former une communauté autarcique, centrée sur le local et son identité, qui se désaffilierait d’un commun plus grand. Mais plutôt de mener les deux combats de fronts. D’un côté la nécessiter de prendre prise sur le cours des choses en se dotant des structures et des moyens dont nous avons besoin, là où nous sommes. Car la vie n’attend pas. D’un autre côté, si nous arrivons à nous assurer collectivement et localement, nous serons d’autant plus capable de penser et œuvrer dans le sens d’un service public plus grand.

Autrement dit, notre démarche va poser la question de l’espace public et des contre-espaces publics :

  • médiatiques

  • décisionnels / pouvoir

  • les contre-espaces publics au sein même du service public (dans les hôpitaux, l’école, les collectivités, la sécu… quels alliés?)

  • éducation, santé, retraite, assurance chômage, quel est notre rôle ? La lutte pour défendre des des acquis tels qu’ils sont ou ont été ? Travailler à leur développement ? Ou la réappropriation de ces ressources / structures pour l’arracher aux mains d’un Etat gestionnaire et technicien sur lequel nous n’avons pas de pouvoir ?

Notre tour de table commence avec la question :

DE QUOI AVONS-NOUS ENVIE ?

Pierre : ce n’est pas uniquement comme une caisse de secours, mais une caisse de mutualisation, pour mutualiser de la valeur au moment où on la produit. Symboliquement c’est important, aller vers la mutualisation positive, afin de produire de la valeur et se la garder. La notion de base arrière avait été évoquée, notamment dans le but d’avoir du fric pour tenir la grève. Mais c’est une position défensive. On peut se dire plutôt qu’on travaille, qu’on produit de la valeur, et le but est de la conserver un maximum pour nous, pour en faire ce que bon nous semble. Avec une caisse de mutualisation on pourrait subventionner d’autres unités de production.

Manée : faire cette caisse avec quoi ? Qu’est ce que ca veut dire produire de la valeur ?

Des gens qui décideraient de mettre une partie de leur salaire en commun ?

Jérôme : une caisse de solidarité, trouver une organisation pour sortir d’un système de travail avec des capitalistes, des patrons, des salariés… La base arrière ça peut-être en plus d’une caisse de solidarité, un moyen de travailler ensemble.

Recréer une sécurité sociale locale. Pour des besoins, mais aussi des investissements. Et il faudrait le faire à plus grande échelle que le local.

Ca se construit sur la base d’une confiance. C’est à dire « je cotise parce que j’ai confiance ».

C’est bien pour ça de faire plusieurs groupes avec des témoignages, mais aussi de l’action. Faut s’organiser.

Sachant que les politiques actuelles seraient trop contentes que nous gérions la variable précarité nous mêmes. Donc il faut éviter le schémas entrepreneur de soi-même.

Je suis ici parce que je veux créer du réseau, partir de la mobilisation autour des CAE pour s’allier et s’organiser sur le territoire.

Dominique : je trouve intéressant ce qui vient d’être dit. Il y a l’actualité, mais il faut être pragmatique. Est-ce qu’on se contente d’être dans la revendication à l’égard de l’Etat ? Ou est-ce qu’on pense une alternative ? L’emploi aidé n’est pas non plus très satisfaisant. Notre initiative serait bienvenue. Mettre en réseau, mais attention, il y a des politiques de mise en réseau pour diminuer les couts, des politiques de mutualisation, et c’est du libéralisme pur.

Il faut choisir le sens de cette mise en commun, pour imprégner la vie de tous et non pas pour parer au désengagement de l’Etat. Il faut que ce dont on discute soit mis au compte du débat actuel.

Mickael : cet échange a attiré mon attention car je suis parti de France il y a 5 ans, et je reviens d’un tour du monde en stop. Avec 5 euros par jour. Je veux pas rentrer à nouveau dans un cadre de travail que j’ai quitté. Et je vois qu’il y a un élan qui s’accélère, alternatif, de solidarité, j’ai ce ressenti qu’il y a quelque chose qui émerge. Je suis revenu fraîchement, j’étais hors système… donc là je suis à l’écoute, et j’ai envie de capter ces idées. Aujourd’hui je serai plus dans un travail collectif et solidaire plutôt que de contribuer dans des choses qui ne sont plus dans mes valeurs. Je ne sais pas le potentiel qu’il y a ici en terme de gens prêts à quitter le salariat pour travailler dans un système comme celui dont on parle là.

Pierre : il faut se méfier, peut etre que le système actuel veut nous faire sortir du système du salariat, pour nous gérer nous mêmes. Et ça, ce serait sortir par le bas. Il faut penser une sortie par le haut, car sinon le capital n’attend que ça pour nous exploiter encore plus.

Julie : oui, là on est en train de penser comment faire de ce truc là le plus beau rêve de Macron. Car en vrai, il rêve que l’on sorte de la sécu.

Annick : j’en ai vu des communautés, des organisations, ca fait rêver mais jamais ils ne se battaient pour la sécu. Ils sont dans l’entre soi. Ca m’intéresse pas.

Nicolas : peut-être qu’on peut imaginer un double combat. Comme marcher sur ses deux jambes, pour l’auto-organisation d’un coté car c’est urgent et pour une sécurité sociale collective car sans elle c’est la loi de la jungle. Si nous partons du principe qu’il est essentiel de produire nous mêmes, selon nos propres modalités d’organisation, ce dont nous avons besoin tout de suite, c’est que nous voulons l’arracher au capitalisme, à l’économie, au manque de sens et de vie qu’il y a dans le travail tel qu’il est maintenant. Mais cette auto-organisation qui nous semble si vitale, n’est pas du tout incompatible avec un combat sur le plan du service public.

La question cependant qui reste en suspend, c’est celle du service public tel qu’il est. L’école forme des travailleurs dociles et adaptables au monde concurrentiel, la santé sert de devanture aux lobby pharmaceutiques qui nous veulent malades, le transport en commun est entièrement privatisé… Le service public dont nous avons envie n’est peut etre pas exactement l’existant.

Après, moi aussi ca m’hérisse les poils l’idée d’une communauté d’affects et d’identités. Mettre des choses en commun ici, ne signifie pas systématiquement enfermement. Mais inversement, un grand service public plein d’égalité, n’empêche pas du tout l’isolement, l’individualisation, l’atomisation des uns et des autres. Il faut donc penser les liens, globalement, et localement. A tous les niveaux donc.

Manée : si d’un coté on analyse les choses en se disant qu’il y a peu de perspectives et que ca va s’aggraver à grande échelle, et que par ailleurs les initiatives locales sont simplement de l’entre soi, il n’y a plus qu’à se tirer une balle. Forcément c’est toute l’histoire du capital de détourner les initiatives, mais la vie n’attend pas, ca vaut le coup de s’y mettre.

Annick ; ce que j’attends c’est qu’on puisse faire les deux en parallèle, la grande sécu et l’expérimentation.

Charles : je suis aussi se passage, bénévole au BDL pour un mois, je suis de Normandie. J’ai le projet de m’installer du coté de Limoges. Je suis sans emploi depuis un an, je me questionne sur le travail, la représentation que l’on s’en fait, celle du chômage aussi. Dans un an je n’aurai plus d’allocation chômage, et je me vois pas retourner dans le système de l’emploi classique. J’y ai jamais vraiment été non plus. Je suis en questionnement là dessus. Puis travailler autrement, ca pose une question collective. Le commun ca demande de revenir sur plusieurs décennies d’idéologie individualiste. Ca demande de réévaluer ses besoins, dont les besoins économiques. Penser une perspective d’économie non capitaliste, qui ne serait pas de croissance. Et la sécu, le chômage, sont imbriqués sur ce type d’économie capitaliste et de croissance. Et il faut penser ces formes d’économie autrement.

Angèle : moi j’ai bien envie d’essayer, je sais pas quelle forme ca va prendre, j’ai envie de quelque chose de concret, sur une forme salaire à vie. C’est pas se mettre à l’écart, c’est essayer quelque chose. J’ai pas envie d’attendre que ca arrive, je veux faire en sorte que ca arrive.

Maud : ce qui me fait peur, c’est qu’on est tous dans la production de valeur qui ne produit pas d’argent. J’ai pas l’impression qu’en concentrant ensemble nos galères ca aille mieux !

Manée : ce qui m’intéresse c’est articuler des choses différentes et de les continuer. Ca peut permettre du bricolage, mais les témoignages, la théorie, ca rebondit et ca fait sens. Oui il faut s’organiser et passer à l’acte, mais en même temps il faut garder les récits d’expériences et les articuler avec l’action. Et pour ce qui concerne tenter une initiative, je suis tout à faire favorable. C’est mieux si ca prend largement, mais si c’est pas très large, on risque pas grand chose à part l’échec de la tentative. Mas c’est le principe de la tentative, ca peut échouer, ca n’empêche pas de tenter. Et pour que ca s’élargisse, il faut en faire le paris.

Guillaume : j’aimerais bien revenir sur les bases arrières. En tant que syndicaliste, j’essaye de motiver les gens pour être dans la lutte. Bon on se plante souvent… ca me questionne, pourquoi les gens ne partent pas en lutte alors qu’ils en larmes au travail et qu’ils sont harcelés. Pourquoi ces personnes ne vont pas faire grève, comment sortir de cette vampirisation capitaliste.

En essayant d’assouvir les besoins vitaux hors du capitalisme, se nourrir, se loger, se chauffer, juste déjà ça. Si ce besoin vital est assouvi par ailleurs, ca desserre les tenailles, ca permet de mieux lutter.

La CIC est une coopérative de coopératives. Ils marchent sur plusieurs cercles, les adhérents peuvent consommer dans les coopératives, y’a différents niveaux de droits, ca permet des échanges avec le reste de l’économie, et ca ne produit pas des exclusions sectaires. Est-ce qu’il ne faudrait pas trouver le liant entre le BDL, les initiatives du plateau, Medication Time, etc, pour fédérer les initiatives ?

Maud : tu penses que c’est par nécessité que les gens ne vont pas au combat ?

Jérémy ; il ne faut pas attendre que les gens soient dans la merde pour réagir. Car dans l’histoire, ca a créé des catastrophes.

Guillaume : c’est ce que les gens me disent, ils n’ont pas les moyens de faire grève. Je ne suis pas sûr qu’ils s’y mettent tous si on leur donne les moyens. En tout cas c’est sur que si laporte est fermée, ils ne risquent pas d’essayer. Donc cette base arrière c’est une manière de garder une porte à ouverte

Dominique : je ne suis pas du tout sûre qu’il suffise que les gens aient les moyens pour qu’ils fassent grève. Par exemple dans les écoles, si tu fais grève 1h à midi, tu emmerdes tout le monde, ca fout un bordel monstre, et c’est efficace, puis tu ne perds qu’une heure de salaire, donc c’est pas une question de moyen. Mais les gens ne font pas grève pour autant. C’est aussi un manque de perspectives.

Christophe : je suis instit’, fonctionnaire depuis 30 ans, donc j’ai quelques moyens, et si par rapport à une organisation commune il y a des choses concrètes qui se passent, je peux aider financièrement. Parler de caisse de solidarité c’est intéressant. Il faut certainement massifier un système. S’il n’y a que des précaires qui font des caisses, il n’y aura pas d’argent dans les caisses.

Je m’intéresse beaucoup à la Tournerie, j’ai envie de leur poser la question, comment font ils en tant que travailleurs, car là ils bossent comme des ânes, c’est du boulot… Comment être militant et assurer des relations avec l’extérieur, communiquer. C’est important de penser des formes de généralisations, montrer des choses collectives qui marchent et donnent envie. Quels systèmes ont-ils ? J’ai envie de travailler là dessus concrètement, stylo à la main.

Jérémy : j’ai envie de participer à une initiative qui pourrait ressembler à une forme de caisse de solidarité. Le contrôle du capitalisme il s’exerce par le contrôle des facteurs de production. Ce type d’initiative ou d’expérience permet de contrecarrer le contrôle du capital. Le facteur travail historiquement, revenait à un contrôle physique sur les gens (esclavage). Avec l’évolution des technologies et l’automatisation, le contrôle du facteur travail est modifié. Pour produire de la valeur et la mettre au bien commun, il faut avoir des compétences diverses, garantir une production de biens et services, notamment en terme de technologies. Et comme aujourd’hui le capitalisme contrôle complètement les technologies, il peut quasiment se passer du travail humain. Il faut essayer de réfléchir à des moyens d’organiser nos compétences. Pour les mettre en coordination. Sans avoir recours à la compétition, à la concurrence. Quelle expérience pourrait on imaginer qui nous permettrait de mettre en commun des expériences et compétences diverses et avancées. Pour produire de la valeur et la partager. J’ai envie de participer à des projets comme ça.

Et concernant les technologies, il faut les mettre au service de nos situations et déjouer le contrôle qu’elles produisent ou permettent aujourd’hui. Il faudrait mettre en réseau des compétences différentes pour qu’il y ait des échanges non monétaires, tout en évitant de revenir à un marché avec une offre de service. C’est aussi une mise en commun de moyens financiers.

Johan : c’est la première fois que je viens, avant je ne pouvais pas, donc je viens voir ce qui se dit, ca m’intéresse de voir comment on peut s’organiser. Avec Medication Time on mène un projet qui s’appelle Parcours Bruts, on questionne les jeunes sur le travail, voir comme chacun se retrouve dans ce milieu du travail. Certains bidouillent des façons de faire pour être libre du marché du travail, d’autres sont perdus face à ça, sans avoir le discours et les mots. Ici c’est au cycle travail, on se pose des questions sur les caisses de solidarité, sur des formes d’organisation de travail autrement, mais ca risque d’être flou pour une partie des gens, je pense à mes copains, mais aussi aux jeunes qu’on interroge… J’ai envie d’investir d’autres personnes là dedans, en dehors de nos assos, ces gens qui sont loin de la lutte. Ca pose la question de comment les intéresser, et ça c’est la question de base que je me pose, notamment quand j’entends ce qu’on se dit là. Comment faire des liens avec les gens.

Christophe : pas grand chose à rajouter, je suis partant tout à été dit, ca m’intéresse.

Le tour de table se prolonge avec la question :

QU’AVONS-NOUS A METTRE EN COMMUN DANS CETTE ORGANISATION-LA ?

Nicolas : il faudrait qu’on en discute avec les collègues de Medication Time, mais on peut participer collectivement. Perso je contribue déjà à deux caisses de solidarité, et une troisième ce sera compliqué. Mais on a déjà une économie commune avec Medic, à moyenne échelle, donc on peut la mutualiser, si mes collègues sont d’accords. Ensuite, juste pour clarifier, à mon avis cette organisation dont on parle dépasse largement la caisse de solidarité, l’idée c’est de mettre de l’activité en commun. A voir comment on s’organise, sur quelles aspirations etc… si à la fin c’est pour vendre des produits sur un marché et dépendre de la conjoncture, c’est raté. Puis je compte dans les mois qui viennent travailler à la théorisation de ce qu’on fait au cycle travail, dans le but de penser ce qui est en train de se jouer, et de le valider scientifiquement, pour aussi arracher la recherche, la culture et la pensée au monopole des puissants. S’écrire c’est important, pour ne par être écrit ou défini par les autres. C’est l’idée d’autographie aussi, une sorte d’auto détermination collective. Donc je peux mettre ça dans le pot commun, des recherches collectives, du temps pour penser ensemble ce qu’on vit et le partager. (Je rajoute à froid : de la mécanique, de la construction, de la musique, des réseaux, un peu de jardin…)

Pierre : sur un plan perso, strictement, je suis à la retraite, donc en salaire à vie pour faire quelque chose dans la société. Je suis déjà payé. Je peux offrir ma force de travail, mon boulot. Je voudrais partager ça avec d’autres personnes, qui sont peut être dans d’autres formes de salaire à vie. A partir de là, sur ces bases là, essayer de construire quelque chose. Je suis en train d’essayer même si ca patine dur.

La sécu n’a pas été créée par l’Etat, ca l’est devenu avec DeGaule. Faudrait que ce soit autre chose qu’un objet de gestion de l’Etat. Nos caisses de mutualisation, ne devraient pas être étatiques, ca doit rester notre propriété et notre gestion à nous. Dans nos revendications actuelles, sur la défense du SP et de la sécu, la base devrait être la reprise de la gestion par nous mêmes des caisses. C’est la base des revendications que nous devrions avoir. Puis ensuite de doubler les taux des cotisations. Revenir à une gestion par nous meme. Et un taux qui ne fait qu’augmenter.

Le financement de la sécu ne peut pas etre figé dans des taux fixes, il faut que ca ne cesse d’augmenter. Sinon c’est de la destruction organisée. Car les recettes augmentent, à taux figé, ca donne plus de pouvoir au capital. Pour rattraper la progression qui n’a pas eu lieu, il faudrait demander 30% demain. Mais pour ça il faut avoir l’envie, avoir une perspective. Y’en a une c’est le salaire à vie.

On a monté un café associatif à St Martin la Méanne.

Et on avait espoir de monter une unité de production autour de l’exploitation forestière.

Christophe : C’est dur pour beaucoup car il faut comprendre la problématique dont on parle. Ce n’est pas évident pour tout le monde.

Dominique : c’est compliqué, il peut y avoir des moments de subversion d’un état des choses alors qu’il nous semble pourtant qu’il n’y a rien à faire. On est sous le coup de la fatalité des choses. Il faut garder la sécu, mais si elle dysfonctionne et ne répond pas au besoin des gens, par exemple si tu n’as pas une bonne mutuelle, la sécu ne suffit pas. Donc il faut bouger ça, la repenser. Meme les services publics sont à repenser, il faut certainement inventer une société et un mode de vie, un mode de solidarité, qui ne peut pas être simple reprise de ce qui a existé. Il ne faut pas opposer un système collectif et ce qui se passe en terme d’initiative locale. Car il est bon d’être acteur de sa vie. Dans un territoire très déshérité, si on ne se prend pas en main, ca ne tombera pas d’en haut. Il faut qu’on se bouge le cul. Qu’on invente des façons de vivre. Et ça peut même convaincre les gens autour. Tout ce qui était voué au désert sur le plateau, grâce aux initiatives, s’est mis à vivre et à se développer.

Je vois vite les limites de mes certitudes passées, j’ai besoin de me ressourcer grâce à ces initiatives. Il y a des gens qui vivent heureux avec moins d’argent, moins de consommation et des modes de vie différents. Ces expériences elles prennent. Oui le capitalisme est aussi dominant dans les esprits et les façon de consommer, pas uniquement dans l’organisation de la production. Le supermarché domine nos consciences. Mais assez massivement, il y a des comportements et des envies qui le remettent en cause.

Comment être crédible : une caisse oui pourquoi pas. Mais pour quel objet ? Si c’est juste 3 associations tullistes, ca suffit pas. Il faut un projet politique qui peut rassembler, et donner sens. Pourquoi ensuite la vie ne pourrait pas bouger autour de ça ?

Il faut aussi interroger le service public qui n’est pas idéal tel qu’il est. Il faut revoir l’éducation qui produit des travailleurs.

Jérôme : je sais faire plein de trucs, est-ce que j’ai le temps de les faire avec vous ? C’est la question… je sais faire de l’administratif, chercher des sous, du jardin…

Pour moi il ne faut pas recréer le système des SELS, il faut créer une situation de confiance. Ce qui m’intéresse c’est l’utopie, quelque chose qui soit plus grand que nous. Je peux y mettre du temps à ça. Le capitalisme émerge avec l’horloge mécanique et le contrôle du temps du travailleur. Le temps c’est la clé. Aujourd’hui c’est les algorithmes qui contrôlent le monde… donc revenir à des trucs de base. Ce qui me plait c’est d’avoir des utopies très élevées et de s’organiser localement.

Mickaël : mon périple va continuer et je ne vais pas rester ici. Donc je sais pas si peux m’engager ici. Dans plein de pays que j’ai rencontrés sans chômage, sans sécu, les gens sont super épanouis. Des économies rurales, dans le primaire, des besoins simples. Quand on parle de crise en France, je me demandais où elle était en vrai. La peur de quitter un travail est forte. Mais quand on prend la liberté de quitter ça, de se rencontrer comme vous le faites, faudrait accélérer les choses, se voir une fois par semaine.

Charles : je suis ravi de la soirée que je suis en train de vivre. Des choses que j’entends. Je vois le limousin comme un territoire où il se passe des choses, comme au bdl, le plateau, la tournerie. Je n’idéalise pas non plus. C’est ça qui m’intéresse et ca me donne envie de me poser et de rejoindre des réseaux. Des fois j’ai des nuits d’angoisse et je me dis que je vais prendre un boulot alimentaire. Et faire partie d’un réseau avec de la solidarité autour, c’est de ça dont j’ai besoin. Ce que j’ai, c’est du temps, peu d’argent, mais du temps. C’est central dans la recherche d’autonomie, pour se détacher de tout ce qui est marchand. J’ai des compétences sur l’agriculture, l’administratif même si j’en ai fait une overdose. J’ai plus pensé dans une perspective individuelle, comment m’en sortir seul avec peu de moyens. Ca va changer peut être avec cette soirée. J’ai pas été loin dans la pensée d’un truc plus complexe.

Aussi, on a beaucoup parlé du passé. Ca m’intéresse d’aller voir ce qu’il y a dans le passée en terme de solidarités, sans l’idéaliser. Une perspective de recherche, aller voir dans des traditions encore vivantes. Ca peut etre une des clés de transmission. Notamment pour les gens qui souffrent au travail et qui ne font pas grève.

Orwell disait que n’importe quel ventre vide devait être un argument pour le socialisme, mais que ce n’était pas le cas. Je veux voir ce qui existe dans l’imaginaire du peuple. Il faut voir dans l’informel, au delà du troc, et du concret, sur ce que pensent les gens.

Julie : l’idée m’intéresse je crois. Mais je sais pas quoi dire. J’ai un salaire, je peux participer financièrement, j’ai peu de temps, mais je veux bien donner de la force de travail, et des tomates avec du mildiou.

Annick : ce que je sais faire… je me suis posé la question quand je suis rentrée dans un Sel, je savais pas quoi répondre. Aujourd’hui je me rend compte que je sais faire plein de choses, le jardinage, le plâtre, le placo… je travaille donc je peux donner des sous. J’ai peu de temps mais j’en garde toujours pour partager avec les autres. Je verrais bien un espace, avec un terrain, un verger, un lieu ouvert, ressource, et échange de connaissances et de réflexions. Pour que ca continue à avancer.

On a monté une cantine, c’est super, c’est sain, c’est simple, on a déjà plein de sous dans la caisse. On pourrait faire beaucoup. Y’a du potentiel, et y’a plein de choses à limoges ou en haute correze sur les sectionnaux, il existe un lieu commun là bas. Je suis intéressée par tout ça, puis l’échange de connaissance et la chaleur humaine.

C’est un tout.

Maud : dans cette idée de super coopérative, soit on essaye de faire une super structure en gardant l’autonomie des projets, mais là je vois déjà la limite de la précarité, du salariat, notamment avec les fin des contrats aidés, puis limite du fait qu’on ne fait rien ensemble. Ce serait bien qu’on ait un projet commun. J’aime bien l’idée de lieu. C’est notre projet avec l’idée d’une salle de concert sur Brive. Au delà de ça, un lieu associatif, culturel, militant… Lieu de vie, de production. J’aime bien le quotidien, c’est plus facile de construire des choses quand on se voit plus souvent. Ce quotidien me manque. J’ai envie d’un lieu.

Manée : je sais jardiner, écrire des choses diverses. J’ai un salaire, du temps, je peux faire des choix. On pense à expérimenter plusieurs choses, dont l’agir. La question d’une action commune, d’une base arrière, ca pose la question de l’échelle. Additionner les précarités n’est pas une solution, même des précarités collectives. Si on doit dégager de la valeur pour aider des gens, il faut que l’on puisse en vraiment en dégager, ca demande de travailler à un projet, à une échelle large.

Le passage à l’acte me pose question : si on ne le fait pas, dans un an on pourra se revoir et dire la meme chose. Il faut un vrai passage à l’acte, sortir du discours. Et que ca débouche sur quelque chose.

Annick : quand on était à nuit debout, et qu’on a arrêté de se voir, il a fallu faire cette cantine, c’est ce qu’on a construit et c’était important. Pour rester ensemble et se voir. Il faut quelque chose de concret et c’est important.

Guillaume : moi je peux dégager du temps. Le temps on le met où on veut. J’ai de l’argent je suis fonctionnaire. Puis un lieu, ce serait génial. Chercher dans le cadastre, des sectionnaux… Faire du liant avec les initiatives. Les compétences ça s’acquiert si on en a envie. Je me débrouille pas trop mal en informatique. Il faut les bonnes personnes au bon moment et au bon endroit.

Angèle : j’ai du temps, je suis au chômage et j’ai envie de donner du temps, je peux participer aussi financièrement. J’ai des compétences dans le commerce, je sais gérer un stock et faire des commandes. J’ai des compétences en couture, je sais faire des tables en palette. J’ai envie de réparer des trucs, donc je vais faire une formation là dedans. J’ai du temps et je suis motivée pour faire des trucs, voilà.

Christophe : du temps j’en ai pas beaucoup en fait, mais je le prends quand même. Ca fait 10 ans que je suis animateur de danse traditionnelle à Tulle sans aucune reconnaissance. Entre 15 et 20 personnes suivent mes ateliers. Faire du lien, c’est du plaisir, la vie c’est pas que du vital. C’est du partage. Ce qui m’interpelle, c’est ce qui se fait obligatoirement, l’accueil de nos amis du pakistan, de l’afghanistan, etc. Je donne des cours de FLE auprès des étrangers. La notion de travail pour eux est liée à l’argent.

Jérémy : j’aime pas beaucoup parler de moi pour différentes raisons. Ce que j’ai envie de donner à la collectivité c’est un ensemble de compétences dans l’informatique. Je pourrais d’ailleurs trouver un emploi dans le secteur marchand. Mais j’ai pas envie de le faire. Du coup je suis bien embêté et le temps passe, j’ai peu de ressources depuis longtemps. Et faut bien s’intégrer et travailler. Donc j’aimerais le faire avec des gens qui ont aussi une perspective politique avec laquelle je suis en accord. Je m’occupe de développement de sites internets, j’ai fait des recherches universitaires, j’aime bien m’imaginer comme un apprenti hacker. Le slogan « programmer ou être programmer » me parle. L’enjeu majeur de notre temps c’est de maîtriser les technologies pour éviter d’être contrôlé par ceux qui les produisent et les possèdent. J’ai envie de reprendre le contrôle des machines. Y’a cette idéologie hacker, et puis ma réalité, un peu plus modeste.

Dans le cadre d’un projet de coopérative, je peux faire des bases de données, ou former des gens à le faire, créer des systèmes d’information liées à des activités. Puis je peux aussi faire du développement web, c’est un peu différent car c’est automatisé aujourd’hui, c’est pas aussi complexe qu’avant. Alors qu’une base de donnée ca s’automatise pas facilement, il faut créer des modèles.

Annick : être hacker, c’est pour moi passionnant pour foutre en l’air la bourse et la finance.

Johan : je peux donner du temps. Aider une dynamique collective car ca m’intéresse. Puis j’ai envie de connaître plus les gens et ce qu’il se passe ici, avant de m’engager aussi. Ca m’intéresse aussi de suivre la dynamique en la documentant, pour témoigner de cette activité commune en enregistrant, filmant, j’ai envie de communiquer là dessus. Enregistrer filmer, mettre en ligne.

Christophe : ca reste assez abstrait quand aux perspectives et au concret. Mais ca me parle, j’ai du temps, pas beaucoup mais c’est une question d’arbitrage. J’ai quelques compétences, et aussi des tomates sans mildiou.

Jerome : Pour la prochaine fois : faire remonter les liens de toutes les expériences.

Christophe : Réu tous les mois, mais pour ceux qui veulent avancer sur certains sujets peuvent initier des réunions entre temps.

Manée : ne pas fragmenter, il faut tenir encore un temps dans l’articulation entre les choses diverses.

Maud : continuer l’aller retour entre la théorie et la pratique.

Jérôme : si un groupe veut avancer et proposer des choses à tout le groupe, il faut que ce soit possible.

Annick – Christophe : invitation à la cantine du 8 octobre, 18h au CG – Cerice.

3 octobre 2017 Courant d'Arrachement

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Penser notre rapport au travail et notre espace « cycle travail »- Cycle Travail N°4

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Sur l’organisation du travail – Notes de recherche du 9 décembre 2016 – Cycle Travail N°2

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