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Dis-nous Chédom, une journée de travail dans un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour toi, c’est quoi ?
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Chédom : Et bien si voir et prendre soins des patients restent les buts et objectifs bien évidemment principaux, notre travail c’est aussi tout ce qui suit :
1/ Sûrement ce que vous imaginez… en vrac !
Nous travaillons seules. On s’adapte au domicile, s’il il n’y a pas d’eau chaude on fait chauffer l’eau, on fait la toilette là où la personne souhaite, ce qu’elle souhaite suivant son humeur. Nous n’avons pas toujours le matériel voulu souvent il faut faire beaucoup de démarches pour l’obtenir.
Nous travaillons en binôme avec des aides à domicile, il faut coordonner les horaires ce qui n’est pas toujours simple. (L’autre jour, il y a une aide-ménagère qui m’a arrachée le fauteuil roulant des mains pour me montrer comment le passer dans la porte, comme si je venais lui faire concurrence… ?) En tous cas notre intervention, ainsi que celle des aides ménagères, leur permettent de rester chez eux.
Nous travaillons avec des voitures de services. Nous faisons beaucoup de kilomètres sur de petites routes de campagne dangereuses et pas beaucoup fréquentées et avec de la neige l’hiver… et nous entretenons nos véhicules !
Nous faisons les transmissions entre soignants au pied du lit du patient avec des téléphones qui ne captent pas toujours, mais avec un logiciel adapté aux soins (qui marche pas toujours).
Les patients sont en général heureux de nous voir, pas forcément pour la toilette ou les soins, mais pour discuter. Nous faisons des journées projet personnalisés qui nous permettent d’échanger plus et de passer un moment agréable avec eux. Nous travaillons le week-end sous forme de roulement 1 à 2 week-end par mois. Nous travaillons tous les jours, les jours fériés y compris.
La prise en charge d’un patient dure des années ce qui créer des liens affectifs. Ils nous parlent de leur vie, de leur famille. Le matin quand on ouvre la porte chez les personnes seules on a peur de les trouver mort. Les gens seuls ont la domotique sécurisée : bracelet-alarme, boîtes à clefs, chemin lumineux en liaison directe avec le conseil régional.
Certains patients sont très exigeants dû à leur solitude, ils nous appellent souvent et voudraient qu’on soit toujours présentes. Cela créer parfois des situations cocasses, quelques fois nous passons de bons moments, avec de bons fous rires. Nous nous racontons des anecdotes entre soignantes.
2/ Beaucoup, beaucoup, beaucoup de coordination
MERDE !!
Encore un arrêt de personnel ce matin ! Et zut ! Personne pour revenir travailler ! Comment je vais faire ? Un coupé ? Bon ça n’enchante personne ça un coupé !
C’est difficile de définir le travail de coordination en SSIAD. Gestion de problèmes ? Notre travail passe par la gestion des problèmes rencontrés au domicile (problèmes de manutention, de conflits d’équipe (non faut pas le mettre), problèmes avec des patients…). Allez, si ! Les problèmes d’équipe, du travail d’équipe (arrêts, conflits, planning…).
Ah ! Les plannings ! Combien passons-nous de temps sur la réalisation des plannings… ??? Ou plutôt sur la reprise des plannings ???
La coordination c’est aussi, quelques patients qui prennent la majorité de notre temps pour des « broutilles ». Nous passons notre journée à nous faire engueuler. La famille de M. X m’engueule parce que les aides-soignantes ont du retard et que c’est « inadmissible »… Ensuite Mme F appelle 10 fois par jour parce que les AS l’ont « mal installée », sa porte est restée ouverte ou il fait froid et elle n’a plus de chauffage. Nous passons sur 7h environ, 2h par jour au téléphone avec les partenaires à essayer d’avoir le maximum d’info qui devraient pourtant venir naturellement à nous. Certains partenaires ne veulent pas entendre parler des situations problématiques tant qu’il n’y a pas de problèmes insolubles. En fait, on passe notre temps à la pêche aux infos avec tout le monde (conseil départemental, tuteur, aides-soignantes, infirmières etc.)
Après il y a une aide-soignante, pas contente du tout car elle fait deux week-end au mois de septembre. Ben oui, mais j’ai pas le choix moi, il faut bien qu’il y en ai qui travaille deux week-end parfois. Pas juste ? Moi ? Non mais alors là franchement c’est injuste ! Je fais au mieux !
Heureusement aussi que nous avons des personnes ressources dans le personnel, de chouettes personnes, professionnelles et positives. On peut compter sur elles. Ça fait du bien. Et puis, il y a des rencontres hebdomadaires qui permettent une expression libre vis-à-vis de la direction, où nos projets sont entendus et soutenus.
En fait nous sommes obligées de ménager la chèvre et le choux tout le temps, faire le lien avec la direction. On a le cul entre 2 chaises quoi !!
Excusez-moi, tiens ! Bonjour Mme G… Ah ? Vous n’êtes pas contente ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est bizarre… c’est toujours quand ça ne va pas qu’on nous appelle !!!
3/ Au secrétariat de direction des problèmes de pneus ! Et un téléphone qui ne s’arrête jamais, jamais, jamais !!
Putain ! encore un problème de pneus
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Prenez rendez-vous chez le garagiste, et faites passez un bon de réparation à notre comptable.
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Tiens, une communication pour toi !
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Oui, ne quittez pas je vais voir si elle est disponible…
Gérer les dossiers administratifs des usagers, demander des prises en charge auprès du médecin traitant, et après l’accord, envoyer la demande à la caisse d’assurance maladie de l’usager.
Chaque fin de trimestre, envoyer les retours de prise en charge à la caisse pivot.
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Je vous passe la communication ce sont les aides-soignantes de XXX.
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Allo ? Non, personne n’a fait de commande.
Passer les commandes de matériel tous les mercredis, pour que les AS les descendent le Jeudi sur leur tournée du Foyer XXX.
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Oui pas de soucis, je rajoute sur la commande pour jeudi.
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Je vois avec les directrices et je reviendrais vers vous.
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Ah ! Eteignez et rallumez le pour voir, sinon il faudra le faire remonter au bureau pour que je regarde.
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Il faut y mettre dans la case de XXX et de XXX.
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Encore ? Demandez au garage, et sinon prenez rendez-vous pour faire le changement.
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Bonjour, non, elle n’est pas disponible, elle est en réunion. Rappelez en début d’après-midi.
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Oui pas de soucis, j’arrive, je prends une voiture et je viens vous chercher… Et ben en attendant, venez chercher la Clio AB-097-XR à XXX.
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Alors là… je sais pas, ne quitte pas je vais voir.
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Allo ? Non, nous ne sommes pas les repas à domicile !
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Bonjour… ah non le cabinet médical, c’est le bâtiment en bois en face.
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D’accord monsieur, j’informe les aides-soignantes, merci d’avoir appelé, bonne journée, au revoir.
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Agnès !!! Mme XXX est rentrée à domicile.
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Oui, ne vous inquiétez pas, il y a dû avoir un peu de retard sur la tournée, elle ne devrait pas tarder à arriver, je vais voir.
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Non, Mme XXX !
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Ça ne marche toujours pas ? Du coup, je vais rappeler XXX mais là vu l’heure, ils me rappelleront sûrement que demain.
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Excusez-moi, je peux vous déranger… ? Non pas de courrier pour vous.
Il y a des périodes plus calmes (juillet/août) et des périodes plus mouvementés. Oh non c’est pas vrai !
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Allo ? Et ben vous prenez le véhicule de dépannage. Attendez, je regarde….
Pour les courriers en recommandés, je vais directement au bureau de poste.
Oh là là, elle n’est pas de bonne humeur aujourd’hui ! On va manger ?
Oui, oui la réunion est à XXX à 14h. Ah et pas de passage, chez Mme XXX elle à un rendez-vous à 9h30 XXX.
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Bonjour, est ce que c’est possible de prendre un rendez-vous pour le changement de pneus de la EJ-406-BK.
En fait je suis régulièrement en contact avec le garage.
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Les clés sont disponibles, il faut signer la fiche d’émargement.
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Allo ? Je transmet.
Agnès !!! Il faut que tu rappelles Mr XXX mais avant 15h et pas en inconnu… !
…. J’aime mon travail
4/ Mais encore Chédom ?
Horaires fixes et tôt : 7h. Dégeler la voiture. Se prendre des réflexions si on est en retard. Logiciel de soin qui fonctionne pas. Faire changer le téléphone. Ecrire les mails.
Un patient qui rentre à domicile après une hospitalisation, quand on réalise le changement de la personne et son avancée dans la maladie, en repartant le soir dans nos voitures, parfois nous avons envies de pleurer.
Des déviations, pas de GPS. Des tracteurs sur des petites routes, des vaches sur la route, la neige, le verglas.
Les patients mécontents des horaires. Obligation de plusieurs passages chez les patients qui n’ouvrent pas tout de suite. Refus de pansement. Etre « Ponctuelle », « souriante ». Laisser ses soucis à la maison. Beaucoup d’écoute. (Et de fatigue émotionnelle. Epuisant.)
Patient dont il faut s’occuper aussi du chien, de son petit déjeuner, avec du pain grillé mais pas trop, du beurre mais pas trop. Le café ? Pas assez chaud, que l’on chauffe de nouveau pour finir par mettre du café froid. Sortir le chien car il aboi, puis le rentrer car il aboi. Nous sommes en train de faire quelque chose et on nous demande pleins d’autres choses.
Difficile de faire accepter du matériel qui « montre la dépendance ». Difficultés à faire accepter le matériel à la famille aussi. C’est à nous d’expliquer et de mettre en place parfois, car la pharmacie pose le matériel et débrouille toi !
Logement inadapté. Les fils qui trainent partout et empêchent une utilisation facile du lève malade. Des odeurs qui dégoûtent. Des maisons où le ménage laisse vraiment à désirer.
Familles invasives dans les soins (elle met ses yeux plus prêts que les miens).
PV, fous rire. Bonne entente dans l’équipe. Cadre général de travail agréable. Paysages magnifiques (oui on aime notre monde rural)
On respire dans la voiture le temps du trajet. Il y a toujours du mouvement, ça bouge.
Manger un gâteau ou un bonbon pour faire plaisir. Pause pipi dans la nature avec une voiture qui passe au mauvais moment. Beaucoup de boîtes à clés avec code. On s’y perd. Les patients qui font des remarques sur nos vêtements, nos coiffures etc.
Inquiétude de ce que l’on va trouver en passant la porte, nous sommes seules. Chaque jour est différent.
Et puis, on nous appelle « les Lavandières », « les bonnes à tout faire », parce qu’on lave des culs et qu’on a les doigts dans le caca. On a un métier où on est sous-estimées… les aides-soignants on doit tout faire. Pas de reconnaissance, pas de paye qui suit… Un truc à s’en faire hérisser les cheveux sur la tête c’est le comportement de certains médecins parfois : cela arrive oui, dédaigneux par rapport à notre utilité dans la maladie… On a même parfois l’impression qu’ils pourraient être insultant au téléphone.
Quand même souvent les gens sont gentils.
Et puis il y a aussi : quand est-ce que je vais pouvoir lui donner un rendez-vous ? Il manque un mi-temps d’assistant soins gérontologiques et on a de plus en plus de demandes…. Une absence c’est plus de KM en voitures. Un nouveau dossier, une prescription pour un accompagnement, la personne du nouveau dossier habite loin, trop loin, nous avons un quota KM à ne pas dépasser… trop tard, c’est fait… besoin de plus de séances pour celui-là, d’un aménagement pour celle-ci, les comptes rendus qui s’accumulent….
Un dernier mot… Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhh