Dans les recoins feutrés d’un bureau occidental, loin des plaines désertiques de ses ancêtres, évolue un spécimen rare et fascinant : le Mammifère de Musulmanus Maximus.
Elle marche d’un pas tranquille, parle peu, travaille beaucoup, et semble ignorer que tout autour d’elle se trame un spectacle digne d’un documentaire animalier.
Son habitat naturel est le lieu de travail, un espace partagé où la vie suit son cours et où chaque coin peut devenir un terrain d’observation.
C’est là que la créature se retrouve soudain observée par une espèce toute aussi étrange : les explorateurs de la banalité.
Chacun, muni de son regard analytique, scrute le moindre détail de son apparence, surtout ce qui semble les intriguer le plus : le turban.
Ah, le turban… objet de fascination universelle. Certains disent qu’il est islamique, d’autres qu’il est magique, ou qu’il contient des secrets que même les meilleurs espions ne peuvent décrypter.
En réalité, il ne fait qu’une chose : protéger son crâne et préserver sa dignité — concept manifestement étranger à certains observateurs.
Dans le lieu de travail, ces explorateurs de la banalité s’approchent comme des biologistes en terrain inconnu.
Ils décortiquent, spéculent, émettent des hypothèses absurdes : “Peut-être que son turban vote à gauche… ou à droite ?”
“Regardez, il pourrait être sensible au café ou réagir au climat !”
Chaque remarque est ponctuée d’un enthousiasme scientifique que rien ne peut éteindre… sauf la réalité : le Mammifère ne cherche qu’à exister.
Sous le masque de la comédie, pourtant, la tristesse s’infiltre.
Elle sent l’humiliation, ce frisson désagréable quand ceux que l’on apprécie semblent oublier l’essentiel : le respect et la simple humanité.
Elle reste silencieuse, le regard ferme, les épaules droites, mais à l’intérieur, un petit nuage de douleur s’étend, invisible mais réel.
Et pourtant… elle continue. Toujours elle continue.
Elle boit son café, écrit ses notes, sourit à ceux qui la regardent sans comprendre.
Le turban sur sa tête devient un symbole discret de résistance : je suis juste moi, et je n’ai rien à prouver.
Car au bout du compte, le Mammifère de Musulmanus Maximus n’a besoin ni d’approbation ni de débats stériles.
Elle survit dans son habitat, simple et entière.
Et tandis que les explorateurs de la banalité retournent à leurs conjectures absurdes, elle, elle continue d’être, tout simplement…
elle-même.
Ismahane
