Le texte qui suit est une invitation à contribuer à un journal de recherche collectif. Cette démarche s’inscrit dans une volonté d’ouvrir un espace d’expression, de réflexion et d’interrogation. C’est une forme de recherche à cœur ouvert où chacune et chacun pourra alimenter un processus de réflexion par ses mots et/ou des moyens d’expression souhaités et choisis par et pour soi, par des témoignages, des interrogations, des analyses de situations vécues, observées, lues, etc. Il n’y a pas d’objectifs pré-établis mais toutefois il existe l’ambition de rendre visible un processus de réflexion dont l’aboutissement se définira au gré des contributions en souhaitant que chacun-e s’octroient le pouvoir dénoncer sa voie-x sereinement.
Le genre du travail
S’interroger sur le travail, le rapport au travail, l’organisation du travail est au cœur des préoccupations actuelles. La réflexion s’articule autour d’une volonté de saisir les mécanismes qui structurent un système de domination, d’exploitation, d’oppression pour pouvoir les transformer voire les renverser.
Dans les espaces collectifs, de production, d’échange de savoirs ; dans les initiatives politiques, militantes ; dans les associations, les organismes de formation, etc., tous ces espaces où l’activité collective est prégnante, où s’engage un travail de réflexion, d’interrogation et de critique, où les logiques organisationnelles peuvent être expérimentées, interrogées, voir être totalement figées ; en résumé tous ces espaces ambitieux de réflexion et d’expérimentation du social, alors, questionner nos rapports au travail du niveau le plus inter/intra-personnel au niveau le plus globalisé peut nourrir une volonté collective d’émancipation.
Le parti pris est d’envisager nos espaces, collectifs, associations comme des systèmes organisés au sens sociologique du terme. Si dans certains cas il s’agit de systèmes structurés autour de règles formalisées et qu’il est donc simple d’en saisir l’aspect « organisé », certains espaces que nous créons et investissons peuvent apparaître et être revendiqués à travers une absence de formalisation. Pour autant chacun et chacune élabore des stratégies d’agir en fonction des fonctionnements, normes et valeurs de l’espace investi. Il s’agirait donc de s’attacher à envisager nos espaces autour d’une certaine rationalité (des règles, normes, valeurs plus ou moins formalisées structurent un modèle d’organisation de nos espaces, ces règles se doivent de faire sens commun et d’être plus ou moins partagées, elles sont donc aussi transmises, reproduites, défendues et parfois contestées).
Toutefois le projet est d’introduire une grille de lecture particulière, celle du genre. Le genre est un rapport social particulier par lequel les rapports sociaux au sein d’un espace particulier peuvent être éclairés. Il ne s’agit pas d’une variable socio-démographique ou une catégorie descriptive comme le « sexe », le genre relève d’un mécanisme inhérent au fonctionnement social global, il permet de rendre compte d’expériences, de rendre visible ce qui de prime abord serait qualifié « d’évidence », « d’allant de soi », « de naturel ». Le prisme du genre fait également ressortir cet imperceptible, ces situations et manières d’agir qui sont trop souvent et trop rapidement qualifiées de « subjectives », qui ne pourraient pas être objectivables car trop « inter ou intra personnelles ». Il s’agirait donc d’envisager les « sens pratique » intériorisés de deux groupes sociaux (les hommes et les femmes) mais également d’appréhender ce que les gens en font et en défont concrètement.
Ici, l’idée est donc de proposer une orientation de l’interrogation autour de ce qui fait nos rapports au travail sous le prisme du genre. A savoir, comment pensons-nous, créons-nous et vivons-nous les logiques et les mécanismes de nos organisations à travers nos rapports sociaux de sexe ?
Comment nos rapports sociaux de sexe structurent, influencent notre organisation du travail ? Comment nos manières d’être et d’agir rendent visible ou invisibilisent des rapports sociaux de sexe ?
Comment les rapports sociaux de sexe dans nos organisations produisent, reproduisent ou déconstruisent des rapports inégalitaires, de pouvoir et de domination ?
Et enfin, comment nous nous vivons, nous nous impliquons dans nos organisations sous le prisme du genre ?
Pistes :
1. Comment divisons-nous le travail collectif? Qui fait quoi et pourquoi?
2. Pourquoi les hommes aiment écrire et parler en public ? Rapport à soi, au savoir savant, au privilège
3. Il faut organiser, planifier et anticiper? Capital domestique, organisation du travail et savoir profane
4. Pourquoi la bienveillance et l’attention à l’autre se fond dans le décor? Genre et rapport à l’autre
5. Ne plus avoir de temps pour soi et être disponible en permanence…: structure temporelle et disponibilité permanente
6. Ce n’est pas mon intention alors ça n’existe pas? Intention, violence, consentement et domination